Les Églises ne devraient pas se mêler de politique ? Allons donc…

Depuis quelques semaines, la campagne autour des votations du 29 novembre prochain à propos de l’initiative pour des multinationales responsables prend un tour jamais vu, aux dires mêmes des politiciens et observateurs aguerris.

On joue sur les mots. On se rejoint sur les buts mais on se déchire sur les moyens. On parle d’une initiative arrogante ou au contraire pertinente. On ne veut atteindre que les multinationales qui agissent de manière irresponsable. De l’autre côté, on prétend que nos PME seront aussi concernées… Enfin, on argumente au lance-pierre.

Parmi les critiques, il y a celle de la conseillère fédérale Karin Keller Sutter (photo tirée du site cath.ch), KKS pour les intimes dont je ne suis pas. Elle fustige l’engagement des Églises, notamment les faîtières, la Conférence des évêques de Suisse et l’Église évangélique réformée de Suisse (EERS) dans la campagne pour le soutien à l’initiative. Son argument est simpliste : « Ce ne sont pas aux Églises de dire qui est un bon chrétien, mais le ‘bon’ Dieu ! » et de poursuivre que la tâche des Églises n’est pas de se mêler de politique, mais d’accompagner les croyants sur des questions éthiques.

Ce ne sont pas les Églises qui définissent qui est un bon chrétien «mais le bon Dieu!»

Karin Keller-Sutter, conseillère fédérale et ministre de la justice

J’ai aussi été le témoin d’une commune qui a expressément demandé (pour ne pas dire obligé) la paroisse du lieu à enlever une banderole orange « OUI à l’initiative pour des multinationales responsables » des proches abords de l’église. La raison ? Le terrain appartient à la commune et celle-ci a reçu des réactions négatives voire outrées, parce que ça gêne.

Je crois que le fond de l’histoire, le véritable enjeu, est ailleurs : l’initiative pour des multinationales responsables bénéficie d’un large soutien populaire, manifesté par un engagement de la base : comités cantonaux, envoi massif de cartes postales, prises de positions et courriers des lecteurs. Du jamais vu ! À tel point qu’economiesuisse fait « Oh ! » et tremble sur ses bases et ses certitudes.

Ainsi, l’Église devrait être la garante du bien-croire et l’État celle du bien-voter ? Allons donc ! Faut-il rappeler à Mme Keller-Sutter, et aux autres par la même occasion, qu’un croyant, un chrétien, un paroissien est aussi (et d’abord) un citoyen ? Qu’il a le droit de vote. Et que ses choix politiques sont bien souvent orientés par ses convictions et des valeurs qui le dépassent, mais qu’il a fait siennes ?

Les réactions hostiles à l’engagement des Églises dans cette campagne démontrent le regard qu’une certaine frange de la société et du politique porte à cette vénérable institution : les Églises sont là pour le fait religieux et que pour le fait religieux. Pour le culte du dimanche matin et pour les cérémonies d’adieux. Pour le reste, tout le reste, elles sont priées de se taire, de se faire discrètes, invisibles si possible.

Mais, l’Église a aussi et surtout une voix prophétique à faire entendre. Qu’elle ne s’en prive pas !

Elle dérange ? Tant mieux ! C’est là sa vocation.

Publié par

Jean-Marc Leresche

Engagé dans l'Eglise réformée évangélique du Canton de Neuchâtel, Jean-Marc partage son temps entre le Bas où il travaille et le Haut où il habite. Il partage ses réflexions et son humeur. Il s'exprime en son nom propre.

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